A quelques mètres de la table où dinaient Tarik et Ursula, Samaël attendait dans le calme. Il les voyait rire aux éclats et il n’avait aucune idée de ce dont ils pouvaient parler. Ursula en était à son troisième verre de vin et cela semblait déranger le jeune garde du corps un peu trop poli pour aller le lui reprocher.
- Tu es sure que tu ne vas pas un peu fort avec le vin ? Remarqua aussi Tarik.
- Tu as raison, reconnu Ursula en posant son verre. Je bavarde tellement que je ne réalise même pas que suis en train de vider la bouteille mais c’est ta faute, qu’est-ce qui te prends de raconter des histoires pareilles ?
- Des histoires étranges mais vraies. Tu ne me croirais même pas si je te raconte la plus drôle d’entre elles.
- En tout cas si j’avais su que tu étais aussi drôle je t’aurai invité depuis longtemps.
- Oui je sais mais on ne se connait que depuis deux jours alors je crois qu’on n’a pas vraiment perdu du temps.
- C’est un moment agréable que je passe en ta compagnie. Je n’avais pas autant ri depuis un bon moment.
- Celui qui passe le plus beau moment c’est moi, en compagnie d’une femme aussi belle et aussi intelligente. Je donnerai tout pour que toutes mes soirées ressemblent à ça.
- On doit remettre ça alors mais dans un lieu plus vivant la prochaine fois. C’est tellement calme ici.
- Tu ne peux pas dire que c’est ma faute, je t’ai laissé choisir. Dis-moi, il est toujours aussi collant ton garde du corps ? Je ne comprends pas pourquoi on le laisse te surveiller ainsi, tu n’es pas une petite fille.
- J’ai demandé à ce qu’il vienne mais si tu veux on pourrait lui faire une bonne blague. Attends-moi devant la porte arrière avec ta voiture.
- D’accord, je paye l’addition et j’y vais.
Ursula quitta la table pour aller retrouver Samaël dans le coin où il attendait.
- Nous pouvons y aller ? Lui demanda Samaël.
- Tu rigoles ? La soirée ne fait que commencer.
- Mais il se fait tard.
- Ne joue pas les troubles fête Samaël, fais-moi plaisir et ramène-moi mon écharpe. Je l’ai laissé dans la voiture et je commence à avoir froid.
- Oui, je vais la chercher.
Dès que Samaël tourna le dos, Ursula alla retrouver Tarik et ils disparurent dans la seconde. A son retour dans le restaurant Samaël comprit qu’ils lui avaient joué un mauvais tour.
Samaël n’eut d’autres choix que de rentrer et d’informer les parents d’Ursula de ce qui s’était passé.
- Comment ça tu l’as perdu de vue ? S’affola Théora. Je t’avais pourtant bien dit de ne pas la quitter des yeux.
- Je sais madame mais je n’ai pas imaginé qu’elle ferait une telle chose.
- Vous n’êtes qu’un incapable.
- Calme-toi donc maman, affirma Ursula en franchissant la porte. Ce n’est pas la peine de faire vivre l’enfer à ce pauvre Samaël. C’était juste une petite blague. Je suis partie avec Tarik, on s’est arrêté pour prendre une glace et il m’a ramené juste après.
- Ne refais plus jamais une chose pareille, avertit Giovanni. Regarde dans quelle angoisse tu as mis ta mère.
- Maman exagère un peu trop. Je parie qu’elle se disait déjà qu’il m’a enlevé. Je vais entrer prendre une douche, je suis épuisée.
Ursula embrassa ses parents, lança un regard de reproche à Carlos et se dirigea vers sa chambre. Giovanni retourna suivre son émission et Samaël put enfin s’en aller. Quant à Carlos il était resté debout à la porte aux côtés de sa mère.
- Je n’aime pas du tout ce Tarik, marmonna Théora.
- Et tu n’es pas la seule maman, tu n’es pas la seule. Je ne le connais pas mais mon cœur ne me dit pas du bien de lui.
- Promets-moi de garder un œil sur ta sœur Carlos.
- Tu n’as pas à me le demander, je garderai toujours un œil sur elle sois en sure.
- Que ferais-je sans toi ?
- Non maman que ferais-je moi sans toi ? Je t’aime si fort. Passe une agréable nuit.
Carlos rejoignit sa chambre à son tour. Il n’avait pas très envie de rester bavarder tard ce soir avec son père comme il avait l’habitude de le faire. Ce qu’il avait envie de faire ce soir c’était se donner le courage de commencer enfin la lecture du roman que sa fiancée lui avait offert. Carlos détestait les romans. La seule lecture qui pouvait le passionner était la lecture de bandes dessinées et avec ses talents de dessinateur il comptait créer sa propre collection.
- Puis-je entrer ? Demanda Ursula qui venait juste délivrer son frère de sa lecture ennuyeuse.
- Depuis quand tu demandes ma permission avant d’entrer dans ma chambre toi ?
- Depuis que je ne sais plus à quoi m’attendre avec toi. Je ne te reconnais plus. Je ne pensais pas que le pouvoir te monterait si vite à la tête.
- Je pensais que tu avais dit que tu me soutiendrais.
- C’était avant d’apprendre que tu as mis ma meilleure amie à la porte. Comment as-tu pu faire ça ?
- Est-ce qu’elle t’a au moins raconté ce qui s’est passé ?
- Elle t’a embrassé et alors ? Tu as toujours su qu’elle était amoureuse de toi mais toi tu la condamnes juste pour un petit moment de faiblesse ?
- Ce n’est pas aussi simple que tu le crois.
- Linda est ma meilleure amie.
- Alors laisse-moi te dire que tu choisis très mal tes amis. D’abord cette Linda et maintenant cet homme-là qui vient de nulle part.
- Tu n’as pas ton mot à dire sur mes fréquentations.
- Figure-toi que si. Je suis ton grand frère et j’ai tout à fait le droit ainsi que le devoir de t’avertir quand tu prends de mauvaises décisions. Cette Linda là, ce n’est pas une amie, il faut être aveugle pour ne pas voir qu’elle est jalouse de tout ce qui peut t’arriver de bien dans cette vie.
- Je ne vais pas en rester là. Je ne serai peut-être jamais la directrice de Black Design mais j’ai mon mot à dire. Je vais toucher un mot de tout ça à papa.
- Fais comme bon te semble.
Ursula quitta la chambre de son frère furieuse et alla tout raconter à leur père. Quelques minutes après Giovanni s’invita dans la chambre de son fils et se tira une chaise.
- Mon garçon, renvoyer des gens dès le premier jour ne te donne pas une bonne image.
- Je ne l’ai pas renvoyé papa, je ne l’ai juste pas donné le poste c’est différent.
- Elle a laissé entendre que tu ne l’as même pas laissé passer l’entretien.
- Peut-être qu’elle l’a passé sans s’en rendre compte.
- Ecoute-moi mon fils, Linda est comme une fille pour moi et je lui ai promis ce travail. La mettre à la porte c’est faire de moi un homme sans parole.
- Je comprends ce que tu dis papa mais je ne veux pas de cette fille là-bas. Vous ne la connaissez pas comme je la connais.
- Ne sois pas entêté.
- Ce n’est pas de l’entêtement. Si tu veux que je te remplace tu dois apprendre à me faire confiance.
- Tu sais très bien que j’ai confiance en toi. J’imagine que ton problème avec Linda ne date pas d’aujourd’hui. Es-tu sorti avec elle ?
- Juste une fois mais ça s’est mal terminé mais je te promets que ma décision ne s’est pas basée sur ça.
- Ne t’en fais pas mon fils, je te crois. Je sais que tu as un grand contrôle sur ta vie sentimentale et que tu sais faire la part des choses. Je vais juste te donner un conseil, n’essaie pas de dominer tes sentiments. Il peut t’arriver de croire qu’ils t’affaiblissent mais ce n’est pas le cas. Les sentiments sont les seuls choses à pouvoir te garder attaché à ton humanité. Il ne sert à rien d’être un homme quand on n’a rien d’un être humain. Si un jour tu te retrouves dans l’obligation de choisir entre ce que te dicte ton cœur et ce que te dicte ta raison, souviens-toi de ceci et écoute ton cœur.
- Tu as toujours été un modèle de sagesse pour moi et je ne remercierai jamais assez le ciel d’avoir eu un père comme toi.
- Tu es un bon garçon et je suis très fier de toi. J’exige tout de même que tu signes le contrat de cette fille et que tu lui donnes le poste.
- Papa, que vont penser les gens si tu remets mes décisions en cause dès le premier jour ? Tu sais très bien que mon intuition ne me trompe jamais. Cette Linda ne va ne nous poser que des problèmes. Elle m’a ouvertement menacé.
- Ecoute mon garçon, ne choisis pas la manière la plus simple pour résoudre des problèmes. En plus tu sais ce qu’on dit, garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près.
- Puisque tu insistes je ne vais pas te contredire. Je ne veux pas perdre plus de temps à parler de cette fille mais que les choses soient claires, si elle me manque de respect encore une fois je la fous à la porte.
- Ça me va. Mon expérience m’a appris que des petites rancunes du genre débouchent souvent sur de belles relations, des relations amoureuses.
- Moi amoureux de Linda ? Je préfère encore me noyer dans mon urine. Je vous ai bien dit que j’ai une fiancée. Norah va venir bientôt et tu verras bien ce qu’est l’amour.
- Tu me racontes cette histoire de fiancée depuis mais j’ai du mal à y croire. Tu as à peine parlé à cette fille depuis que tu es là.
- Qu’est-ce que tu en sais ? Tu m’espionnes ?
- Quand moi j’étais jeune et amoureux on me surprenait tous les jours en train de parler au téléphone. C’était compliqué avant le mariage car les parents étaient un peu plus compliqués à cette époque. Seulement quand on aime une femme, un regard suffit pour réaliser que ni la distance ni le temps ne saurait mettre fin à une telle passion.
- Tu ne parles pas de maman, glissa Carlos. Tu parles de cette autre femme. J’étais très petit mais je me souviens encore d’elle. Cette histoire est floue pour moi et j’ai beau essayé de comprendre je n’y arrive pas. Si la mère d’Ursula était ton épouse, que faisait ma mère dans cette maison ?
- J’ai été bien trop indiscret, réalisa Giovanni. Je vais te laisser te reposer. Demain sera une autre longue journée.
Giovanni s’en alla et Carlos resta un long moment à essayer d’imaginer des réponses à ses questions. Il savait bien que son père ne lui dirait jamais un mot à sa mère non plus. Ce qui lui restait à faire était de chercher lui-même ses réponses mais où chercher ?
Le lendemain matin la famille se réunit à nouveau à table pour le petit déjeuner. Alors qu’ils mangeaient en toute tranquillité, le téléphone d’Ursula sonna et elle décrocha.
- Allo, répondit-elle après avoir posé son jus de pomme.
- Vous savourez bien votre repas? Lui demanda la personne au téléphone.
- Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas et comment savez-vous que je suis en train de manger ?
- Ecoutez-moi attentivement, les gens autour de vous vous mentent tous. Ecartez-vous et je répondrai à toutes vos questions. Il y a beaucoup de choses que vous ignorez mais que vous devez savoir.
- Désolée mais je ne vais pas perdre plus de temps à vous parler inconnu.
Ursula raccrocha et expliqua à sa famille qu’il s’agissait d’une erreur de numéro. Elle aurait bien pu leur répéter ce que l’homme au bout du fil lui avait dit mais elle ne le fit pas. L’inconnu avait peut-être réussi à capter son attention.
- Désolé de vous interrompre, s’excusa Samaël en entrant dans le salon. Je voudrais vous demander de m’accorder ma journée pour que je puisse aller voir ma mère. Il semblerait qu’elle soit un peu malade et qu’elle demande à voir. Je serai de retour avant la nuit.
- Bien sur Samaël, accepta Giovanni. Si ta mère est malade c’est la moindre des choses. Prends le temps qu’il te faut, je n’ai aucune réunion importante avant demain soir. Pour le reste je saurai m’arranger.
- Merci monsieur. En passant, mademoiselle Ursula, vous avez quelqu’un qui vous attend dehors. Il s’agit de votre ami, le jeune ASSADI. Je lui ai dit que vous étiez à table mais il a voulu attendre.
- Pourquoi tu ne me le dis que maintenant ? Il doit être fatigué d’attendre.
- Et que vient chercher cet homme ici ? Demanda Carlos.
- Je lui ai demandé de venir me chercher comme ça je n’aurai pas à prendre un taxi, répondit froidement Ursula.
- Je n’ai jamais dit que je n’allais pas te déposer au boulot !
- Après ce qui s’est passé hier je préfère ne pas monter dans ta voiture.
- Tu peux arrêter de faire la gamine maintenant, je vais réintégrer ton amie aujourd’hui.
- Tant mieux, si tu permets je dois y aller.
Ursula se leva, embrassa ses parents et alla retrouver Tarik à l’extérieur.
La journée se passa dans le calme et Linda avait pu enfin signer son contrat de travail avec Carlos. Elle n’avait plus essayé de le provoquer alors la tache fut facile pour tous les deux. A dix-huit heures, Tarik était revenu chercher Ursula pour la ramener chez elle.
Après avoir pris sa douche, Ursula voulut rejoindre la table pour le diner quand elle entendit son téléphone sonner de nouveau.
- C’est encore vous ? Demanda-t-elle tout en sachant la réponse.
- J’ai toujours su que vous étiez une fille intelligente.
- Pas besoin d’être intelligent pour savoir que c’est le même imbécile qui vous appelle deux fois dans la journée avec un numéro inconnu.
- Ce n’est pas le même numéro pourtant.
- Je n’ai pas l’habitude d’être contactée par des gens dont je ne possède pas le numéro mais pourquoi parliez-vous comme si vous me connaissiez ?
- Parce-que c’est le cas. Ne vous en faites pas, désormais vous aurez mon contact dans votre répertoire. Enregistrez donc ce numéro, je vous appellerai souvent avec.
- Cela voudra dire que je pourrai enfin savoir votre nom ?
- Ce n’est pas le plus important. Vous n’avez qu’à écrire l’homme sans nom.
- Vous vous croyez drôle ? Que me voulez-vous ?
- Je veux juste vous ouvrir les yeux en apportant en vous aidant à découvrir tout ce que vous cachent vos proches.
- Dans ma famille nous n’avons pas de secret les uns pour les autres. Il n’y a rien que vous puissiez me dire que je sais déjà.
- Ce que vous apprendrez vous surprendra sans doute. Vous êtes en retard pour le diner. Rejoignez donc la table et demandez à ce qu’on vous dise qui est Murielle LOMPO ou dirais-je feue Murielle DANNON. Ils le savent tous, tous les trois.
L’inconnu raccrocha et Ursula très intriguée par cet appel décida de rejoindre la table. Elle avait hâte de percer le mystère et de savoir si cet inconnu savait vraiment de quoi il parlait ou s’il ne faisait que jouer avec elle.
- Dites-moi qui est Murielle DANNON, exigea-t-elle en se tirant une chaise.
Après sa petite question, elle entendit sa mère faire tomber son verre, elle vit son père surpris et les yeux de Carlos faire rapidement le tour de la table. Il n’y avait aucun doute, ils avaient la réponse à sa question et ils n’avaient pas l’air de vouloir la lui donner.
- Vous m’avez entendu ? Reprit-elle. Qui est Murielle DANNON et pourquoi suis-je la seule ici à ne pas la connaitre ? Si elle porte notre nom c’est bien parce qu’elle fut de la famille non ? Car oui je sais qu’elle est morte.