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Episode 6

La révélation


-        Mademoiselle, prononça Samaël en arrivant dans le salon, je viens d’arriver et j’ai remarqué que quelqu’un vous attend à l’extérieur.

-        Ce n’est pas le moment Samaël, hurla Ursula.

-        Pardon, je ne voulais pas vous interrompre.

-        Vous allez me dire qui est cette femme oui ? Cria Ursula en tapant sur la table et en renversant quelques verres.

-        Ce n’est pas la peine de crier ainsi, intervint Carlos. Je vais te dire qui c’est moi. Madame Murielle était l’épouse de papa avant qu’il ne se marie à notre mère.

-        Papa était marié avant de rencontrer maman ?

-        Oui mais elle est morte il y a bien longtemps.

-        Comment est-elle morte ?

-        Je n’en sais pas plus Ursula et je ne comprends pas pourquoi tu viens subitement poser toutes ces questions.

-        Ton frère a raison, affirma Théora un peu plus calme. Tout cela appartient au passé et il faut l’oublier.

-        Non non, je suis sure que cette femme a beaucoup plus d’importance que ça. Je veux savoir ce qu’elle a à avoir avec moi. Ça ne peut pas être que ça. Il y a quelque chose que vous ne me dites pas. Regardez un peu les têtes que vous faites.

-        Je crois qu’elle a raison, décida de répondre enfin Giovanni. Je sais Théora que je t’ai dit qu’il serait mieux de ne pas en parler mais là nous n’avons plus le choix. Je préfère de loin qu’elle l’apprenne de nous plutôt que d’autres personnes. Taire la vérité est une chose et mentir en est une autre. Si elle vient nous le demander nous ne devons pas lui mentir. Avec ta permission ma chérie, je voudrais qu’on lui en parle une fois pour toute.

-        Je te fais confiance mon cher époux, approuva Théora.

-        Avant toute chose je voudrais que tu te remettes assise et que tu te calmes Ursula.

-        Je suis bien comme ça.

-        Fais ce qu’on te dit Ursula, demanda Carlos à sa sœur.

-        Toi tu la fermes, cria Ursula, tu n’es qu’un menteur.

-        Ton frère ne t’a pas menti, ce qu’il a dit sur cette femme est vrai juste qu’il y a autre chose que tu devrais savoir. Si tu veux l’entendre tu vas devoir poser tes fesses.

-        Bien, obéit Ursula.

-        Si je dois dire la vérité à ma fille, je voudrais aussi accorder le même droit à mon fils. Il ne sert à rien de dire une partie de la vérité. Carlos, je sais que tu ne vas pas aimer ce que je vais dire mais vous êtes assez grands pour comprendre les choses. Murielle était mon épouse oui mais elle est morte il y a vingt-quatre ans de cela. Je suis donc devenu veuf et un temps après j’ai refait ma vie avec votre mère que voici.

-        Je ne comprends pas, avoua Ursula. Si cette femme n’est morte qu’il y a vingt-quatre ans, cela voudrait dire que tu entretenais une relation avec maman étant marié ? Nous ne serions pas nés sinon.

-        C’est beaucoup plus compliqué que ça, reprit Giovanni à court de mots.

-        Je vais me charger de leur expliquer le reste, proposa Théora.

-        Oui je t’en prie, c’est mieux si c’est toi qui leur dis.

-        Il y a de cela trente ans j’ai quitté mon village pour rejoindre la capitale à la recherche d’un travail et d’une nouvelle vie, une vie à laquelle je n’avais pas droit chez moi. Quand je suis arrivée j’avais mon nouveau-né entre les bras, un petit garçon, la seule chose que je n’ai pas pu abandonner. Cet enfant c’était toi Carlos.

Carlos était loin de s’attendre à une telle révélation. La vérité derrière cette phrase de sa mère était plus que claire pour lui. Il avait bien envie de dire un mot mais il ne savait pas lequel. Il était aussi surpris et aussi choqué que sa sœur. Quant à Giovanni, il s’était levé pour aller se mettre debout près de son épouse, nettoyer ses petites larmes et lui tenir la main pour l’encourager.

-        A mon arrivée j’ai trainé dans les rues durant quelques bonnes semaines. J’étais désespérée et mon enfant était malade. C’est alors que même sans un sou en poche j’ai décidé de me rendre dans une clinique au coin de la rue. Je ne pouvais pas voir souffrir le seul être qu’il me restait au monde. Quand je m’y suis rendue, je suis tombée sur un homme qui me demandait de m’en aller et d’aller chercher de l’aide dans un centre de santé public mais moi je ne connaissais même pas la ville et je n’avais même pas de quoi prendre un taxi. Je suis donc restée devant la clinique jusqu’au soir à supplier pour qu’on s’occupe de moi. Après plusieurs tentatives j’ai compris qu’il ne servait à rien d’attendre alors je me suis retournée pour partir. En ce moment précis je suis tombée sur une jeune infirmière qui venait pour sa garde du soir. Elle a été triste de me voir comme ça et elle a demandé à ce qu’on s’occupe de moi. Je lui ai raconté mon histoire et elle a décidé de m’aider et de payer pour mes soins. Elle disait qu’elle n’avait pas un grand salaire mais que son mari était un homme influent. Elle m’a aussi fait comprendre que je pouvais travailler chez elle car avec son mari ils cherchaient justement quelqu’un pour s’occuper de la maison. Cette jeune infirmière c’était Murielle. Ma vie a changé depuis ce moment-là. Elle et son mari m’ont tout de suite traité comme un membre de la famille et Giovanni a toujours été comme un père pour toi Carlos. Il t’a acheté tes premiers jouets, il t’a inscrit à la maternelle quand tu as eu tes trois ans et Murielle a été comme une seconde mère pour toi. Cette femme était unique au monde, c’était une personne exceptionnelle avec un grand cœur mais tu sais on dit souvent que ces genres de personnes ne sont pas faits pour vivre longtemps. Elles viennent et comme des étoiles elles disparaissent bien avant le lever du jour.

Théora commença à pleurer et son mari l’enlaça un long moment. Ursula avait la bouche ouverte et les yeux humides. Quant à Carlos, il avait tellement de peine et de douleur en lui. Il ne savait quoi faire ni quoi dire mais il n’était pas insensible à la tristesse de sa mère.

-        Maman, prononça-t-il avec beaucoup d’efforts. Tu n’es pas obligée de parler si tu ne le souhaites pas ou si tu te sens mal.

-        Je sais mon chéri, je sais mais il le faut. Des années plus tard, cinq ans après notre arrivé, Murielle a décidé qu’il était temps pour elle d’avoir un enfant. Elle disait toujours que devenir maman lui faisait peur et qu’elle ne saurait pas comment concilier son rôle de mère à son travail qui lui prenait la majeure partie de son temps. Elle avait des doutes mais elle m’a dit un jour : Théora, si tu seras aussi présente pour moi comme je l’ai été pour toi je crois que devenir maman est la chose la plus facile que je ferai dans ma vie. Je lui ai donc promis que je serai toujours présente pour l’aider avec l’enfant. Elle est tombée enceinte quelques semaines après et quand elle nous a annoncé la nouvelle on était tous fous de joie. Votre père a organisé une énorme fête pour annoncer la nouvelle aux voisins et à ses amis. Il aimait tellement les enfants qu’il ne s’était pas empêché de manifester sa joie. Les malheurs ont commencé cinq mois plus tard quand les médecins ont découvert une prééclampsie sévère chez Murielle. Ils lui ont proposé un accouchement avant terme pour lui éviter des complications mais elle n’a pas voulu. Nous avons tous essayé de la convaincre d’écouter les docteurs mais elle disait qu’elle sentait son enfant bouger et qu’il était hors de question qu’elle fasse un choix égoïste et qu’elle laisse mourir son enfant. Murielle est morte deux mois après en donnant naissance à son enfant. Le plus douloureux est qu’elle n’avait même pas pu voir son enfant ou le porter. Tu es cet enfant Ursula. Ta mère t’aimait tellement, elle t’a aimé sans jamais pouvoir te voir. Nous aurions tous souhaité que les choses se passent autrement mais c’était la volonté de Dieu. J’ai pris soin de toi et je t’ai donné tout mon amour, je t’ai aimé comme si tu étais de mon sang et j’ai toujours tenu la promesse que j’ai faite à ta mère. J’ai été présente à chaque étape de ta vie. Tu es mon enfant.

Théora remarqua que sa fille pleurait abondamment alors elle quitta sa chaise pour aller l’aider à se lever et la serrer dans ses bras.

-        Ne pleure pas mon enfant.

-        Je ne suis pas ton enfant, cria Ursula en se retirant des bras de Théora toute en larme. Tu n’es pas ma mère. Vous m’avez menti, vous m’avez tous menti mais de quel droit ? Tu as osé mettre ton nom sur mon acte de naissance alors que je ne t’appartiens pas.

-        Calme-toi ma fille, supplia Giovanni. Cette histoire nous fait autant de mal qu’à toi. Je comprends ce que tu ressens.

-        Ne prétends pas comprendre ce que je ressens car tu es loin de l’imaginer. Vous m’avez menti, vous avez privé une pauvre femme de son droit d’être appelé maman, vous m’avez empêché de connaitre ma mère.

-        Mais je suis ta mère ma chérie.

-        Non tu n’es pas ma mère, tu n’es qu’une menteuse, une voleuse car en plus de m’avoir volé tu t’es empressée de te marier à mon père et de donner son nom à ton fils.

-        Ursula, intervint Carlos, tu ne dois pas lui parler comme ça, tu vois bien qu’elle a assez mal.

-        Encore une fois Carlos, ne me dis pas ce que je dois faire.

-        J’en ai parfaitement le droit, je suis ton frère et ne sois pas ingrate. Je sais que tout ça est beaucoup trop pour toi mais tu dois essayer de comprendre.

-        Tu n’es pas mon frère, tu n’es rien pour moi. Il faut que je sorte d’ici, il faut que je m’en aille.

-        Où vas-tu aller dans cet état et à cette heure?

-        Loin d’ici.

-        Laisse-moi te conduire, proposa Carlos. Il est hors de question que je te laisse partir seule. Regarde dans quel état tu es bon Dieu.

-        Tu le savais n’est-ce pas ? Tu l’as toujours su.

-        Je le soupçonnais mais comme à toi on ne m’a jamais rien dit, pas avant aujourd’hui. J’ai construit mes propres hypothèses en me basant sur mes souvenirs, flous et incertains.

-        Tu aurais dû m’en parler.

-        Ce n’était pas à moi de le faire.

Ursula nettoya ses larmes et dirigea son regard vers Samaël qui était resté debout à la porte tout ce temps.

-        Tu as dit que j’avais de la visite ? Demanda-t-elle à Samaël.

-        Oui, c’est le jeune ASSADI, il est toujours là. Il a dit que vous aviez laissé votre écharpe dans sa voiture.

-        Il faut que je sorte dans cette maison, j’étouffe.

-        Je peux vous conduire où vous voulez.

-        Oui s’il te plait.

Ursula sortit avec Samaël de la maison et après avoir récupéré son écharpe et parlé à Tarik, elle revint trouver Samaël à la porte pour lui annoncer qu’elle partirait plutôt avec Tarik.

-        Mademoiselle, dans votre état il vaut mieux ne pas partir avec un inconnu.

-        Excuse-moi Samaël mais je ne te connais pas plus que lui. En plus ces derniers temps les inconnus semblent me vouloir plus de bien que ma propre famille. Figure-toi que c’est un inconnu qui m’a dit cette chose que ma famille me cache depuis des années.

-        J’ai tout entendu vous savez, je suis vraiment désolé pour ce qui vous arrive. Je sais que ça doit être difficile.

-        Merci.

-        Je sais surtout qu’il serait mieux que vous ne vous éloigniez pas de votre famille. Ils vont tous s’inquiéter. Vous avez vu l’état de votre mère.

-        Dis-moi toi, de quel côté es-tu ? Tu soutiens ma mère c’est ça ?

-        Non, ce ne sont pas mes affaires alors je n’ai aucune raison de prendre parti. Je ne fais que donner mon avis.

-        Eh bien ton avis ne m’intéresse pas. D’ailleurs je trouve que c’est un conseil plutôt osé venant de la part d’une personne dont la mère est malade et qui passe son temps à travailler au lieu d’aller s’en occuper.

Ursula ne perdit pas plus de temps avant de retrouver Tarik pour qu’il la conduise loin de chez elle.

Tarik avait conduit Ursula dans un bar vers la sortie de la ville. Ils avaient pris quelques verres dans le silence. Il sonnait vingt-trois heures et Tarik regardait dans sa montre.

-        Tu veux déjà rentrer ? Demanda Ursula.

-        Il se fait tard et le mieux serait que je te ramène chez toi. Tu as assez bu et j’ai bien pu remarquer que tu ne supportes pas vraiment l’alcool.

-        Je ne veux pas retourner dans cette maison.

-        Je n’arrive toujours pas à croire tout ce que tu m’as raconté mais j’essaie de me mettre à ta place. Je sais que ça doit être difficile mais laisse-moi te dire une chose. Tes parents ne sont pas mauvais, ils n’ont voulu que te protéger. Je n’approuve pas le fait qu’ils t’aient caché une vérité aussi importante mais crois-tu que c’est facile d’aller voir son enfant et lui dire ah en fait tu n’es pas mon enfant ?

-        Rien ne justifie ce qu’ils ont fait.

-        Je sais mais tu dois essayer de comprendre. Je dois t’avouer que j’ai aussi été élevé par un homme qui n’est pas mon père.

-        Tu es en train de me dire que monsieur ASSADI n’est pas ton père ?

-        Je ne dirai pas ça ainsi car pour moi il sera toujours mon père, mon seul père mais oui il n’est pas mon géniteur. Je porte pourtant son nom et il a pris soin de moi depuis tout petit. Il m’a donné un amour que personne ne m’a jamais donné, un amour que je n’ai même pas reçu de mes propres parents. Tout cela juste pour te dire que ce qui compte ce n’est pas de qui nous provenons. Toi tu as eu la chance de grandir en trouvant une famille unie. Tu n’as pas souffert avant de pouvoir trouver une famille. Quand tu es née tu as perdu une mère mais tu en avais déjà une nouvelle qui t’aimait tout autant que la première. Qu’est-ce que ça peut bien te faire si elle t’a donné la vie ou non ? De quoi as-tu manqué dans ta vie dis-moi ? Repousser ta famille après cette nouvelle est une chose très normale mais ça reste une chose bien ingrate. Tu es injuste envers la femme qui t’a tout donné, injuste envers le frère qui a toujours su la vérité mais qui a toujours veillé sur toi, injuste envers ton père qui a tout fait pour que tu grandisses dans une famille unie et injuste envers toi-même qui mérites tant le bonheur.

-        Dit comme ça, je me sens un peu coupable.

-        Dans ce cas agis comme il faut.

-        Tu dois être un avocat hors du commun, le genre d’avocat capable de convaincre un innocent d’être coupable d’un crime. Car oui je sais que je suis la victime de l’histoire mais après t’avoir écouté je me sens comme un monstre d’avoir agi ainsi. Je ne voudrais pas t’avoir comme adversaire dans la vie putain.

-        Je dois y aller maintenant, je dois me rendre tôt au cabinet demain. Si tu es d’accord je te ramène chez toi mais si tu ne veux toujours pas y retourner je te prends une chambre dans un hôtel pas loin de chez toi.

-        Tu ne me proposes pas de rester chez toi ?

-        Ce serait impossible. J’habite avec mon père et il est très strict sur ces choses-là. S’il te voit à la maison je suis sûr qu’il m’obligera à appeler tes parents pour qu’ils viennent te chercher. Attends-moi ici je vais rapprocher la voiture.

-        Oui vas-y mais je te rejoins dehors.

Ursula se leva après le départ de Tarik et semblait ne rien voir devant elle. Elle avait une forte migraine accompagnée de vertige et de nausée. Elle dandina jusqu’à l’extérieur, laissa le trottoir pour marcher jusqu’à la chaussée ou elle tomba. Elle se mit ensuite à vomir. Il se faisait tard et la circulation était moins dense. Quand Tarik arriva avec la voiture, il la vit couchée au milieu de la route alors qu’une voiture venait dans sa direction. Il sortit rapidement de sa voiture et alla la récupérer pour la faire monter à bord. Il l’aida ensuite à se nettoyer et lui prêta sa veste avant de la reconduire chez elle pour la confier à ses parents. Quand Tarik voulut s’en aller, il croisa Samaël sur sa route.

-        Je pensais que vous étiez une personne responsable, balança Samaël.

-        Je n’ai pas d’explication à vous donner.

-        Très bien mais je veux que vous m’écoutiez attentivement. Il est hors de question que je vous laisse faire du mal à cette jeune fille. J’ai mené ma petite enquête sur vous.

-        Ne vous mêlez pas de ce qui ne vous regarde pas.

-        Bien sûr que ça me regarde, on me paye pour ça. Je trouve d’ailleurs très étrange qu’un inconnu ait pu dire toutes ces choses à Ursula.

-        De quoi m’accusez-vous ? Ursula et moi nous ne nous connaissons que depuis peu alors si vous insinuez que je puisse savoir quoi que ce soit sur sa famille vous faites erreur.

-        Votre déduction me surprend vu que je ne vous ai encore accusé de rien.

-        J’ai le flair pour voir venir ce genre d’accusations. Je suis avocat vous savez ?

-        Ecoutez, je ne dis pas que vous êtes coupable, pas encore. Comprenez juste que je puisse me méfier après la découverte que j’ai faite. Je sais très bien que votre père connait la patronne depuis bien longtemps. Ce genre de secrets ne sortent que de la bouche de personnes proches vous ne pensez pas ? C’est surtout très pratique que vous soyez venu au bon moment comme par hasard et qu’elle ait trouvé refuge auprès de vous.

-        J’en ai assez de vos insinuations, si vous avez une chose à me dire, dites-le.

-        Oui j’ai bien une chose à vous dire, je vous tiens à l’œil monsieur ASSADI.

Oui faites donc ça, après tout vous devez justifier votre salaire. Si vous permettez j’ai beaucoup mieux à faire.

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