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Mon pire reflet 10


- Sortez d’ici avant que je ne fasse une chose que je pourrais regretter, ordonna-t-il au jeune homme.

Voyant l’homme musclé de 1m90 qui était debout en face de lui, Boris laissa la corde et se dépêcha de libérer les lieux. Il n’avait récupéré ni son sac ni son portefeuille.

- Je vais tout t’expliquer, affirma Yamina. Aide-moi à enlever cette corde.

- Tu vas m’expliquer ? Que vas-tu m’expliquer ? Que tu attends que je sorte pour me tromper chez moi et dans mon lit ? Tu vas m’expliquer que tu n’as aucun respect pour moi et aucun respect pour toi-même ?

- Je te jure que je ne connais pas cet homme, ce n’est pas mon amant.

- Tu me prends pour qui ? Un imbécile ?

- Je peux te le prouver si tu m’aides à retirer cette corde.

- Quel genre de femme es-tu ? Juste parce-que j’ai passé une soirée sans céder à tes provocations tu vas me tromper avec un autre ? Nous ne sommes ensemble que depuis quelques jours Yamina, quelques jours. N’as-tu aucune dignité ou est-ce tes pratiques malsaines qui te manquent ? Je vais te donner ce que tu veux ça crois-moi.

Tiago se rapprocha de Yamina et prit ses mains, elle était soulagée qu’il décide enfin de la détacher mais elle s’était trompée sur ses intentions. Il n’avait faire que tirer les bouts de corde pour serrer le nœud. Elle laissa échapper un petit cri et lui demanda de ne pas faire ça. Tiago n’entendait pas grand-chose, il avait arraché ses vêtements dans un élan de colère.

- Ne fais pas ça Tiago, supplia-t-elle.

- Si tu veux être traitée comme une moins que rien tu seras servie.

C’était la première fois qu’il avait été si violent et si impitoyable avec elle. Quand il eut finit, elle avait une petite larme au coin de l’œil et essayait de retrouver son souffle. Tiago était beaucoup plus calme, il commençait à réaliser ce qui venait de se passer. Il la libéra de la corde et quitta l’appartement. A son retour à l’aube il l’avait trouvé assise dans le salon. Essayant de ne pas lui prêter attention, il se dirigea vers la cuisine et posa une casserole au feu. Sans gants ni torchon, il posa sa main sur la manche se laissant bruler. Yamina qui l’avait rejoint le surprit alla retirer sa main.

- N’as-tu donc aucune parole ?

- Ma parole ne vaut rien depuis que j’ai compris que ta dignité ne valait rien non plus.

- Suis-moi.

Yamina emmena Tiago jusqu’à la chambre et alluma son ordinateur. Elle lui montra ses échanges avec Boris et lui expliqua ce qui s’était réellement passé.

- Je ne t’ai pas trompé et je ne le ferai jamais, assura-t-elle.

- Peut-être mais tu es allé beaucoup trop loin.

- Je sais et je m’en excuse mais comprends-moi, j’essaie de vaincre mes démons.

- Et tu en as créé un qui te dépasse. Je ne suis pas dupe Yamina, je vois tout. Je me suis très mal comporté avec toi hier et ça me brise le cœur mais ce qui me brise encore plus le cœur c’est de constater que tu as aimé ça. Quel est ton excuse à toi ? Qu’est-ce qui justifie le fait que tu veuilles souffrir de cette manière.

- Ne confonds pas souffrance et plaisir.

- Regarde tes poignets, ils ne sont pas moins rouges que cette brulure que je viens de me faire. j’imagine qu’ils doivent faire autant mal.

- Serait-ce si grave si je découvre à mes dépends que je suis peut-être masochiste ?

- Je ne suis pas prêt à vivre avec ça. C’est beaucoup trop pour moi. Si j’ajoutais tes délires aux miens je risque de me retrouver au fond du gouffre. J’ai compris dès que je t’ai vu que tu n’étais pas vraiment très différente de moi. J’ai essayé de préserver la part d’innocence qu’il y avait en toi mais tu es partie à la rencontre de tes démons et tu l’as fait dans mon dos. Maintenant que tu les as trouvés, j’espère que tu seras assez forte pour assumer. Toi et moi c’est fini Yamina. Cette décision je la prends pour moi et je la prends aussi pour toi.

- Tu ne peux pas me faire ça.

Yamina compris que Tiago n’allait pas revenir sur sa décision. Elle espérait qu’une fois calmé, il changerait d’avis mais pour l’instant, elle devait retourner à son appartement.

Après le départ de Yamina, Tiago resta pensif un long moment et alla chercher son téléphone pour composer un numéro.

- Salut vous êtes sur mon répondeur laissez-moi un message, entendait-il à sa grande déception.

- Bonjour Rim, c’est moi Tiago. J’ai besoin de parler, rappelle-moi dès que tu auras mon message s’il te plait. Merci.

Deux semaines étaient  s’étaient écoulées et les choses n’étaient pas rentrées dans l’ordre. C’était le troisième lundi depuis leur séparation et ils ne s’étaient pas reparlés. Ils se sont croisés quelques fois chez Théo et Safi et dès que l’un arrivait, l’autre trouvait une excuse pour partir. Le problème avec les groupes d’ami est que lorsque c’est tendu entre deux, c’est tendu entre tous. C’en était fini avec les soirées cinéma et les sorties à quatre. Yamina avait appris par Théo que Tiago était retourné combattre et qu’il avait bien failli tuer Marcus. L’habitude étant une chose qu’on a du mal à changer, il leur était arrivé de se croiser au supermarché achetant les mêmes produits.  Ils avaient l’habitude de faire les courses ensemble et ça ne convenait à aucun d’eux de changer la date ou l’heure. Ils ne voulaient peut-être pas modifier leurs agendas ou peut-être était-ce une excuse pour se voir même de loin.

Ce matin alors qu’elle actualisait la liste des clients du cabinet, Yamina fut demandé dans le bureau de Mario. Elle se détacha de son ordinateur et alla rejoindre le jeune psychologue.

- J’ai décidé de transmettre ton dossier à un autre psy, lui annonçait Mario.

- Quoi ? S’inquiéta Yamina. Tu ne peux pas faire ça, je n’ai pas besoin d’un autre psy. Si ce n’est pas toi alors c’est bon j’arrête. De toute façon je vais bien, je prends très bien ma séropositivité, je ne suis pas en bon termes avec ma famille mais nous avons cessé de nous faire la guerre. J’ai mon propre espace, un travail et une vie presque normale.

- Quelle différence ça fait que ce soit moi ou un autre ?

- Tu es comme un ami pour moi Mario.

- Justement, c’est là le souci. Je suis devenu un ami pour toi. Je n’ai pas su rester professionnel et j’ai compliqué nos rapports. Nous sommes passés d’un simple psy et sa cliente à un des collègues de travail et maintenant des amis. On ne peut pas être le psy et l’ami.

- Oublie les règles pour une fois.

- Ne pas respecter les obligations de mon métier, c’est cracher sur tout ce que j’ai bâti jusque-là. J’aurai pu faire l’aveugle si au moins tout se passait bien mais tu ne te confie ni à ton psy ni à ton ami. J’ai bien vu que tu as des problèmes. Ça fait un moment que tu n’es plus toi-même et que tu as l’esprit ailleurs. A chaque fois que je te pose la question tu me dis que tu vas bien. connaissant quelques détails de ton passé et le grand changement par lequel tu es passé récemment, je m’inquiète pour toi. Tu as besoin de te confier à quelqu’un.

- Tiago avait raison, les psys ne servent à rien.

- Je vais faire comme si tu ne venais pas juste d’insulter mon travail.

- Je peux m’en sortir toute seule et ça tombe bien que tu ne sois plus mon psy car j’ai vraiment besoin d’un ami et te connaissant tu n’as pas beaucoup d’amis non plus.

- Ça on peut le dire.

- Alors tout va bien.

- Yamina,

- Oui

- J’espère, j’espère vraiment pour toi que les choses iront bien mais si un jour tu as besoin de parler car j’ai l’impression que ça ne va pas tarder à arriver, sache que ma porte est grande ouverte. Psychologue ou ami, pour toi je ferai une exception et porterai le costume que tu voudras que je porte.

- Merci Mario.

- Je ne vais pas classer ton dossier, je vais le mettre à côté de celui de Tiago.

- Pourquoi à côté de celui de Tiago ?

- Parce-que tout comme toi je pense qu’il va revenir. Vous êtes deux patients très différents des autres. Je ne sais pas pourquoi mais je sens que vous avez quelque chose de spécial. D’ailleurs, as-tu de ses nouvelles ? Comment évolue votre amitié ?

- Disons que nous n’étions pas faits pour être amis. Il m’a aidé à retrouver ma confiance en moi mais ensuite on n’a plus vraiment été très proches.

- D’accord. Aujourd’hui je vais partir vers midi, annule mes rendez-vous de l’après-midi et prends le reste de ta soirée.

- As-tu des choses à faire ?

- Oui, je dois rendre visite à ma famille à la campagne.

- Une femme et des enfants ?

- Aha, rigola Mario. Non, une mère et une petite sœur de seize ans, Mira.

- On parle d’une différence d’âge de vingt ans, c’est énorme.

- Dis donc, tu n’as pas peur d’être indiscrète toi. En fait Mira a été adopté. Ma mère est un médecin retraité et Mira était l’une de ses patientes. Elle a perdu ses parents lors d’un accident dans lequel elle a aussi perdu ses jambes. Elle n’avait que cinq ans quand c’est arrivé. Le seul membre de sa famille qu’ils ont pu retrouver était une de ses tantes et cette dame était alcoolique. Ma mère a fait les démarches nécessaires et elle a réussi à adopter Mira. Les deux ont préféré aller vivre à la campagne depuis que ma mère a cessé d’exercer.

- Et ton père alors ?

- Il s’est remarié après son divorce avec ma mère mais nous sommes toujours en contact. Tu as peut-être déjà entendu parler de lui, c’est un grand psychiatre, Edmond ADAMS.

- Non je ne le connais pas. Je trouve ta famille un peu bizarre, tous des médecins.

- Moi je ne suis pas médecin et si j’ai l’honneur d’être appelé docteur c’est simplement parce-que j’ai fait mon doctorat, rigola Mario.

- Oui mais c’est toujours une question de santé.

- En effet mais Mira fera la différence avec sa grande passion pour la musique. Je suis persuadé qu’elle deviendra une très grande pianiste. Bon, assez bavardé, remettons-nous au travail.

- Quand vas-tu revenir ?

- Avant la nuit, je ne voudrais pas conduire au milieu de tous ces motards qui n’ont rien à faire les soirs.

- A qui le dis-tu ?

La journée du lundi se termina en douceur et laissa place à celle du mardi. Ce mardi avait très bien commencé dans le calme mais ne comptait pas finir sans marquer son passage. Depuis sa rupture avec Tiago, Yamina préférait rester tard au cabinet pour éviter de rentrer de de s’ennuyer. Mario avait reçu un client tard ce soir car ce dernier l’avait appelé désespéré. C’était une urgence et il devait répondre présent. Il ignorait que Yamina était encore là jusqu’à ce qu’elle vienne lui souhaiter une bonne soirée et lui dire au revoir.

Quand Yamina sortit dans la rue pour chercher un taxi, un homme la tira par la main et lui donna une gifle. Quand elle se redressa, elle reconnut Marcus. Il avait des bleus partout, tellement qu’elle arrivait à le voir malgré l’obscurité. Ils étaient près d’une petite lampe qui n’éclairait pas vraiment.

- Tiago va payer cher, menaça Marcus.

- S’il te plait, je ne suis pas impliquée dans toutes ces histoires. Vos combats ne me concernent pas.

- Tu joues les saintes mais tu n’es pas très différente puisque tu l’envoies terroriser les gens.

- De quoi parles-tu ?

- De Waheb NATY, ne fais pas l’innocente, j’y étais.

- Waheb ! S’étonna Yamina.

- Tu vas transmettre mon message à ton imbécile de petit ami, informa Marcus avant de se mettre à battre Yamina.

Yamina criait à l’aide de toutes ses forces. Alors que Mario concluait sa séance avec son patient, il entendit les hurlements et se dépêcha de rejoindre l’extérieur. Ce fut facile pour lui de battre cet homme qui tenait difficilement debout même s’il avait reçu lui aussi un coup au nez. Marcus s’était enfui et Yamina avait trouvé refuge dans les bras de Mario.

- Tout va bien, la rassura Mario. Je vais te conduire à l’hôpital et ensuite nous irons signaler cette agression.

- Je connais ces gens, les dénoncer serait s’attirer plus d’ennuis. Je préfère rentrer chez moi. N’insiste pas s’il te plait.

- D’accord mais permets-moi de te prendre mon sac et de te ramener.

- Non ne me laisse pas seule ici s’il te plait.

- Allons ensemble, la clé de la voiture est à l’intérieur et on doit aussi fermer le cabinet.

Mario avait ramené Yamina chez elle et l’avait aidé à s’installer dans le canapé. Il avait pris une glace dans le frigo avec l’accord de Yamina et l’avait posé sur sa joue toute rouge. Il semblait si doux et attentionné que Yamina oublia sa douleur et le regarda d’un air curieux.

- Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Demanda Mario gêné.

- Comment un homme comme toi peut ne pas être en couple ? Exprima-t-elle.

- C’est bien plus compliqué que ce que tu penses mais en même temps je pourrais te retourner la question.

- Ne change pas de sujet.

- Je suis sérieux, tu es belle, intelligente, pleine d’énergie et incroyablement séduisante.

- Je suis aussi entêtée, maladroite et malsainement curieuse.

- C’est vrai que tu es une personne directe et sans filtre mais mieux vaut être trop franc que hypocrite. J’ai rencontré pas mal de femmes avec qui j’ai voulu partagé ma vie mais la personne que je suis ne leur convenait pas. Le souci est que je ne peux pas devenir une personne que je ne suis pas pour plaire à une femme. Avec le peu d’expérience que j’ai, j’ai pu remarquer que la plupart des femmes avait un côté maso, elles n’aiment pas les personnes saines d’esprit qui font tout pour les voir heureuses.

- Je comprends. Tu me décris comme une femme géniale mais penses-tu vraiment que je suis différente ?

Le petit rie de Mario avait répondu à la question de Yamina. S’il devait traduire sa réaction il l’aurait traduit ainsi : ‘‘différente, mon œil’’.

- Je ne pense pas que tu sois différente, je pense plutôt que derrière tes airs de fille fragile se cache la pire d’entre toutes.

- Tu n’exagères pas un peu ?

- D’accord mais juste un tout petit peu.

Mario avait un air bien plus sérieux, Il tenait d’une main le morceau de glace qui était légèrement collé à la joue de Yamina. Il se rapprocha de plus près et Yamina ne le repoussa pas. Il se permit alors d’approcher ses lèvres et de l’embrasser.


Episode 11...


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