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Mon pire reflet 4


- Bonjour, je m’appelle Mélissa et je viens d’avoir vingt ans. Je suis anorexique. Depuis mon adolescence je me suis lancée dans le mannequinat. J’étais la meilleure de mon agence jusqu’à ce que je tombe enceinte il y a deux ans. J’ai eu mon enfant Hector que j’ai tellement hésité à garder. Je voulais avorter mais je n’en ai pas eu le courage. Avec le soutien de ma mère j’ai pu donner naissance à mon enfant mais reprendre mes activités a été très difficile. J’avais pris du poids et mon corps avait beaucoup changé. J’avais honte de la personne que j’étais devenue et plus aucune agence ne voulait de moi. Je me suis mis à tout tenter y compris me priver de nourriture pour redevenir l’étoile que j’étais. Il y a trois mois j’ai failli perdre la vie, je m’étais évanouie en plein défilé car j’étais à bout de forces. C’est un miracle que je sois parmi vous aujourd’hui. J’ai pris conscience de mon erreur, je ne veux pas mourir, je suis bien trop jeune et mon fils a besoin de moi.

Le petit cercle d’une dizaine de personnes se mit à applaudir et le regard du docteur ADAMS se tourna vers Yamina. C’était le premier jour de Yamina au club de soutien. Elle se retrouvait face à des inconnus qui avaient différents problèmes. Le club avait été initié par le docteur Mario ADAMS il y a un an pour ses patients. Il y faisait un tour de temps en temps pour les écouter et prendre des notes. Pour le premier jour de Yamina, il avait décidé de venir et de voir comment elle réussissait à s’intégrer. Il avait été surpris de voir Tiago assis aux côtés de la jeune fille car ce dernier lui avait clairement fait comprendre que le groupe de soutien de l’intéressait absolument pas. Il se demandait lequel des deux avait convaincu l’autre mais ce n’est pas ce qui l’importait plus. Ils étaient là tous les deux et pour lui c’était une double victoire.

- Qui d’autre voudrait partager quelque chose avec nous ? Demanda le docteur ADAMS.

- Moi, se proposa gentiment un vieil homme. Je vais bientôt partir en voyage alors c’est surement mon dernier jour avec vous. Je voudrais alors profiter du fait que vous soyez présent pour vous remercier. Vous avez changé ma vie docteur. Merci également à tout le groupe pour votre soutien. Je suis l’une des premières personnes à avoir intégré le club depuis sa création et j’ai été témoin de son importance. Les têtes ont beaucoup changé, certains sont partis et d’autres sont arrivés. J’espère juste que tous autant que nous sommes nous arriverons à vaincre nos démons et aller de l’avant. Merci à vous et encore une fois merci au docteur ADAMS.

- C’est un honneur pour moi monsieur BALOU, s’exprima le jeune psychologue. Je suis fier de ce que nous avons réussi à accomplir ensemble et j’espère que vous continuerez la lutte où que vous soyez.

Une nouvelle fois des applaudissements se laissèrent entendre et tous purent dire au revoir au vieil homme. D’autres témoignages suivirent et la séance prit fin un peu après vingt heures. Elle avait durée en tout deux heures et aucun discours de la part de Yamina ou de Tiago. Après avoir mis fin à la séance, le docteur ADAMS avait rappelé à Yamina leur séance du lendemain à son bureau et avait demandé à parler à Tiago.

- J’ai été surpris de te voir ici, avait-il confessé à Tiago.

- Je suis tout autant surpris que vous mais parfois c’est plus facile de faire le pas pour une autre personne que pour soi-même.

- J’ignorais que tu connaissais Yamina.

- Je ne la connaissais pas, nous nous sommes rencontrés il y a à peine quelques jours devant votre bureau et j’ai compris qu’elle avait plus besoin de cette histoire de groupe de soutien que moi.

- Toi aussi tu as besoin de parler de tes problèmes.

- Je vous en ai parlé à vous et grâce à vous je n’en ai plus. Je vais beaucoup mieux et le reste du travail je le ferai tout seul.

- D’accord Tiago, je respecte ta décision mais sache que si tu as besoin de parler, ma porte te restera ouverte et ce club aussi.

- Merci docteur. Si vous permettez, je dois y aller, Yamina m’attend à l’extérieur.

Tiago prit congé du docteur et alla retrouver Yamina qui l’attendait sur le parking où était garée sa moto. Elle avait son sac accroché à son bras et elle transpirait à grosses gouttes.

- Désolé de t’avoir fait attendre, s’excusa Tiago.

- Ce n’est pas grave.

- Est-ce que tu te sens bien ? C’est vrai qu’il fait très chaud ce soir mais tu transpires de manière un peu excessive je pense.

- Je ne comprends pas, mon corps change, j’ai l’impression de souffrir de plusieurs choses à la fois. Je ne me reconnais plus.

- Je vais te ramener pour que tu te reposes. Je ne te l’ai pas dit mais je suis content que tu aies décidé de venir, ça prouve au moins que tu essaies de te battre. Cela fait près d’un mois que je n’ai pas eu de tes nouvelles, j’ai cru que tu ne me rappellerais jamais.

- Je n’ai pas envie de mourir mais en même temps je me demande si j’ai la force de me remettre de ça.

- Ce n’est pas si grave tu sais ? Le VIH de nos jours c’est pratiquement rien. As-tu vu ce jeune garçon qui était assis à ma gauche ? Il semblerait qu’il souffre d’un cancer en phase terminale et pourtant il vient juste d’avoir dix-huit ans. Il a eu son baccalauréat et venait d’être admis dans l’équipe nationale de basketball quand il a su qu’il était malade. Les médecins lui donnent quelques mois et pourtant il semblait plus vivant que nous tous réunis.

- Comment tu as appris tout ça toi ?

- Il était jeune et semblait bien en forme alors j’étais curieux de savoir ce qu’il faisait là. Quand on s’est croisé dans les couloirs j’ai essayé de lui parler et il m’a tout raconté.

- La vie est tellement injuste.

- Eh oui ! Pendant ce temps il y a des capricieuses qui se laissent mourir de faim pour quelques photos.

- C’est horrible ce que tu dis, cette fille est malade. Tu imagines si on te disait que tu ne pouvais plus faire ce que tu aimais le plus au monde ?

- Tu as raison, je préfère mourir que vivre à nouveau sans pouvoir conduire une moto. En parlant de ça, je dois y aller, il faut que je me prépare pour la course de ce soir.

- Une course ?

- Oui. Dans moins de deux heures je dois être à la station Cis, nous allons rouler vers le nord, les routes de campagnes sont presque vides aux environs de minuit.

- Normal, cette route est dangereuse, après toutes les séries de braquage qu’il y a eu cette année je doute que des gens passent par-là déjà après vingt heures. Je ne savais pas que tu faisais ce genre de courses.

- Tu ne sais rien de moi.

- C’est vrai mais voudrais-tu m’emmener suivre cette course ?

- Pardon ? S’inquiéta Tiago. Il est hors de question que tu viennes avec moi. C’est très dangereux et si tu as envie de te mettre en danger ne compte pas sur moi. J’ai compris dès le premier jour le genre d’idées qui te traversaient l’esprit. Ça commence comme ça et très vite tu te retrouveras avec une lame à la main en train de te faire des entailles.

- Je ne suis pas comme toi. Je n’ai pas l’intention de me suicider et si c’était le cas je n’aurai pas besoin d’une course stupide pour y arriver. Je voulais juste en savoir un peu plus sur toi et m’ennuyer un peu moins ce soir. Je préfère faire n’importe quoi d’autre que rentrer et écouter Lola se disputer avec son fiancé toute la nuit.

- Dans ce cas va suivre un film ou fais ce que tu veux mais tu ne viendras pas avec moi. Monte je te ramène.

- Je préfère prendre un taxi.

- Comme tu veux.

Yamina avait arrêté un taxi et était partie dans la seconde. Ce fut ensuite le tour de Tiago de démarrer sa moto et de rentrer à son appartement pour retrouver son ami. Quand il arriva à l’appartement, il vit que Théo avait fait ses valises. Il ne comprit pas ce qui se passait alors il attendit qu’il sorte de la douche pour lui demander.

- Où vas-tu avec toutes ces valises ? Lui demanda-t-il.

- J’ai demandé à Safi d’emménager avec moi et elle a dit oui mais nous allons rester dans son appartement.

- Et tu vas partir si vite ?

- Mon ami, quand l’amour appelle il faut répondre sans tarder. Je ne voudrais pas qu’elle finisse par changer d’avis.

- Tu ne peux pas me faire ça, le loyer va me revenir deux fois plus cher et tu sais très bien que je ne peux pas habiter seul.

- Avec tout ce que tu gagnes avec les courses tu n’as pas de souci à te faire. En plus je pense qu’il est temps que tu te décides à utiliser tes économies.

- Cet argent je l’avais gardé pour mon mariage avec Rim et je ne veux pas y toucher. Ça me rappelle de mauvais souvenirs.

- L’argent c’est l’argent mon frère, ça n’a aucun rapport avec les histoires d’amour. Tu es bien trop sentimental. Moi je dois y aller, essaie de trouver un autre colocataire au pire des cas.

- Tu es mon seul ami, tu es le seul qui sait que je suis malade.

- Je vais essayer de voir si je trouve une personne qui pourrait supporter ton caractère. Pour ta maladie, ne l’utilise pas comme excuse, ça fait des mois que tu vas bien.

- Je sais mais c’est bien plus compliqué que ça.

- Je promets que je vais te trouver quelqu’un de confiance. En plus je ne serai jamais loin et tu le sais.

- Merci mon frère.

Tiago avait aidé son ami à faire ses bagages et ils avaient ensuite pris la route vers leur lieu de rendez-vous. La grande surprise de Tiago fut de voir Yamina arriver sur les lieux. Il était juste sur le point de prendre le départ alors il se concentra sur son trajet et espérait avoir une discussion avec elle à son retour. Théo était debout et attendait son tour avec quelques autres participants mais il ne connaissait pas vraiment Yamina. Il fut quand même intrigué de voir cette jeune femme qu’il n’avait jamais vu debout là.

- Qui êtes-vous et que faites-vous là ? Lui demanda-t-il. Ce sont les dindons qui vous envoient ?

- Les quoi ? Interrogea Yamina.

- La police.

- Ah non, je savais qu’on les appelait les poulets mais dindons c’est nouveau pour moi.

- Ça prouve que tu n’es pas du coin.

- Je suis une amie de Tiago, vous le connaissez peut-être, il vient de partir. Je m’appelle Yamina.

- Oh c’est toi la fille qu’il était censé aller voir il y a quelques heures. Enchanté, moi c’est Théo, son meilleur pote.

- Alors je tombe bien.

- Que viens-tu faire ici ? C’est assez dangereux. Si l’un d’eux t’avait pris pour un dindon tu serais dans un sale état en ce moment. Ici tout le monde connait tout le monde.

- Je m’ennuyais et il fallait en plus que je lui parle. J’ai besoin d’un endroit où passer la nuit et j’ai pensé qu’il pouvait m’aider. Il ne répondait pas au téléphone et je savais que je le trouverais ici, il m’a dit qu’il y serait.

Alors que Yamina essayait de s’expliquer, le bruit des sirènes se fit entendre et avant que Théo n’arrive à la faire monter sur sa moto ils furent arrêtés et embarqués avec trois autres personnes qui n’avaient pas pu se sauver à temps. A l’arrivée de Tiago, tout était déjà vide. Il avait appelé son ami sans succès et il avait commencé à s’inquiéter.

Dix heures du matin, Yamina venait d’être relâchée après que Théo ait réussit à soudoyer quelques officiers pour obtenir leur libération. Ils s’étaient retrouvés à la sortie pour terminer leur discussion de la veille.

- Merci de m’avoir sorti de là, remercia Yamina.

- C’est le moins que je puisse faire. Pour ton histoire d’appartement ça tombe vraiment bien car Tiago cherchait un colocataire. Je ne sais pas à quel point vous êtes amis mais je vais te laisser l’adresse et si ça t’intéresse tu iras le voir pour lui en parler.

Théo laissa l’adresse de l’appartement à Yamina et s’en alla ensuite. Quand Yamina regarda sa montre elle remarqua qu’il était déjà dix heures et qu’elle était en retard pour son rendez-vous avec le psychologue. Elle arrêta alors un taxi et se rendit directement au bureau du docteur ADAMS.

- Désolée pour le retard, s’excusa-t-elle. J’ai eu une nuit compliquée.

- Vous me semblez épuisée.

- En effet, j’ai quand même passé la nuit dans une prison enfermée comme une délinquante.

- Que s’est-il passé ?

- C’est arrivé juste comme ça. J’ai décidé d’aller voir Tiago et une chose entrainant une autre j’ai fini là-bas.

- Racontez-moi un peu ce qui vous lie à ce jeune homme.

- C’est la seule personne qui se rapproche le plus d’un ami pour moi en ce moment. Je ne le connais pas vraiment et lui aussi me connait à peine mais il y a quelque chose en lui qui m’inspire confiance.

- Je peux le comprendre. Parle-moi donc de vous, comment vivez-vous tous ces changements ?

- C’est de pire en pire. Aujourd’hui je me retrouve presque à la rue et j’ai l’intention de me tourner encore une fois vers cet inconnu espérant qu’il m’aide. Je ne pourrai pas retourner chez moi et affronter ma famille.

- Avez-vous pu discuter de tout cela avec votre famille ?

- Non mais je pense qu’ils le savent déjà. Ils ne comprendront jamais cela et s’ils n’ont pas cherché à avoir de mes nouvelles c’est sans doute parce qu’ils ne veulent plus entendre parler de moi.

- Comment imaginez-vous l’avenir ?

- Franchement tout me semble flou, je ne pense pas avoir la force de surmonter tout ça, je ne sais même plus si j’ai encore le droit de rêver. Je n’ai plus le droit de fonder une famille, d’avoir un enfant et une vie normale.

- Il n’y a pas vraiment de vie normale, chaque vie a sa particularité et aucune vie ne ressemble à une autre. On ne peut jamais savoir ce qui se cache derrière cette image qu’on voit des autres et qui nous semble parfaite. De plus laissez-moi vous dire que vous vous trompez sur un point. Vous avez le droit de rêver d’une famille et vous pouvez l’avoir votre famille. Parles-en à votre médecin et il vous expliquera tout ce que vous devez savoir. Rapprochez-vous de lui et faites-lui confiance.

- Docteur, vous qui connaissez bien Tiago, pensez-vous que c’est une personne en qui je peux avoir confiance ?

- On dit souvent que la souffrance rapproche les gens et je pense que c’est exactement ce qui vous lie. Il peut vous apporter beaucoup du réconfort car il est passé lui aussi par ce genre de moment mais il peut également vous enfoncer si tous les deux ne faites pas attention. Tiago est une bonne personne mais je pense que lui aussi a besoin de guérir.

- Est-ce qu’il va toujours mal ?

- Je ne peux pas vous en dire plus, vous comprenez que je n’ai pas le droit de vous parler du cas d’un autre patient ? Revenons plutôt à vous.

- Je pense que je vais devoir y aller, j’ai vraiment une grosse migraine.

- Je comprends, reposez-vous bien et rendez-vous jeudi à la même heure.

- Merci docteur.

Yamina se leva et quitta le bureau du docteur ADAMS sans tarder. Elle se rendit à l’adresse que Théo lui avait communiquée. Tiago habitait un quartier très calme et aéré. Vu son caractère et ses passions, Yamina ne s’attendait pas du tout à ce qu’il habite un endroit si peu animé. Il habitait dans un immeuble de deux étages et son appartement était l’un des quatre qui étaient au ré de chaussé. Yamina était entré et avait emprunté le petit couloir pour s’arrêter devant la deuxième porte. Elle observa encore autour d’elle et le calme impressionnant lui avait donné un peu froid. C’était si calme que ça en devenait effrayant. Elle se dépêcha de sonner à la porte mais Tiago avait mis du temps à ouvrir. Il venait juste de quitter la douche et peinait encore à enfiler son t-shirt.

- Yamina ! Prononça-t-il surpris. Vas-y entre, ne reste pas là.


Episode 5...


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